La tourbière (octobre 2010)
L'hiver approche en pays Abénaki ; les dernières sorties de cueillette doivent se faire avant les premières neiges. Les champignons montrent leur tête, les châtaignes et les noisettes sont à ramasser avant que les écureuils et autres rongeurs ne nous en privent. C'est l'occasion pour le Clan de parcourir son vaste territoire.
Nous revenons fouler la contrée que nos mocassins n'ont pas vue depuis deux ans. La tourbière est encore plus humide que nos souvenirs ne le laissaient présager ; les récentes pluies ont gorgées la sphaigne.
Le lieu propice au bivouac est trouvé vraiment en lisière de forêt. De gros rochers nous couperont du vent et serviront de réflecteurs à nos feux. Les toiles sont tendues, les litières de fougère installées sous nos bâches huilées : la vie s'organise.
Plusieurs guerriers sont partis prospecter les environs. Quelques heures plus tard, ils sont de retour avec la dîme de Mère Nature. Le butin n'est pas lourd : une quinzaine de cèpes. Ceux-ci agrémenteront plaisamment le repas du soir autour des bûches qui flambent. Les estomacs remplis, les couches sont gagnées pour un repos troublé par les ronflements et, à minuit, par les ondées sporadiques de pluie et de grésil. Il en faudrait plus pour inquiéter les dormeurs.
Le jour se lève. Les troncs alignés de la lisière se font plus distincts. Leurs silhouettes d'abord sombres aux premières lueurs de l'aube se font plus familières. La pluie a cessé, asséchant les nuages dégonflés des ondées possibles. Il fera beau aujourd'hui. Nous nous levons et contemplons la tourbière dont chaque herbe est constellée de gouttes. Les sommets environnants sont poudrés ; l'hiver s'annonce. Le retour vers le village s'impose. Les mauvais jours se passeront dans les wigwams et il faudra attendre mai et le retour de la clémence des éléments pour mettre à nouveau le nez dehors et recourir les bois.
Fin